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La neutralité militaire de la Serbie, un brillant numéro d’équilibriste?

Le 27 Décembre 2019, l’Assemblée nationale de Serbie a adopté sa nouvelle Stratégie de Défense Nationale. Présentée trois jours plus tôt par le Ministre de la Défense Aleksandar Vulin, cette stratégie de défense avait pour but de réaffirmer la neutralité militaire de la Serbie et la préservation de ses intérêts nationaux.

C’est à la suite des heures sombres qui ont suivi l’éclatement de la Yougoslavie, et en réaction aux tentatives de la communauté internationale de résoudre la crise du Kosovo que l’Assemblée nationale serbe adopte en Décembre 2007 une résolution consacrant pour la première fois le statut neutre de la République de Serbie. Depuis ce jour, le pays s’est engagé à ne faire partie d’aucune alliance militaire existante et à ne prendre part à aucun conflit. Cette résolution se voit renforcée aujourd’hui par la publication d’une Déclaration sur l’indépendance politique et la neutralité militaire.

Ce statut de neutralité ne veut pas dire que la Serbie est passive quant à sa défense. Preuve en est, l’année 2019 s’est accompagnée d’une hausse des dépenses militaires : 800 millions d’euros ont ainsi été octroyés au Ministère de la Défense ! Et la tendance ne s’inverse pas pour 2020. Il est en effet dans l’intérêt d’un Etat neutre d’accroître ses capacités militaires, puisqu’il ne peut bénéficier de ressources alliées. L’opération n’est toutefois pas sans coût pour un pays comme la Serbie, qui ne dispose pas des mêmes ressources que d’autres Etats neutres.

Cette montée en capacités militaires interroge cependant, car elle peut envoyer des signaux contradictoires aux Etats voisins, ce qui en un sens contredit le principe de neutralité militaire devenue un véritable leitmotiv dans le discours des dirigeants. À cette prétendue neutralité s’ajoute un entre-deux militaire sur lequel la Serbie s’appuie habilement. En effet, le pays organise tour-à-tour des exercices conjoints avec les forces américaines et participe dans le même temps par exemple aux entraînements militaires « Fraternité slave » avec la Russie et la Biélorussie. La Serbie vient d’ailleurs d’annoncer sa non-participation à ces exercices tenus au Bélarus, déclarant par ailleurs avoir subi des pressions de la part de l’Union Européenne.

Le double-jeu serbe est ainsi fait : entre discours sur la neutralité d’un côté et modernisation de l’armée de l’autre, entre affinités historiques et culturelles à l’Est et tentations de coopération vers l’Ouest. Cette confusion volontaire interroge donc. Candidate officielle à l’Union Européenne, membre du Partenariat pour la Paix de l’OTAN et Etat observateur de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (regroupant la Russie, l’Arménie, le Tadjikistan, le Brélarus, le Kazakhstan et le Kirghizistan). C’est en multipliant les casquettes que la Serbie entend défendre ses intérêts. Mais cette stratégie est-elle viable sur le long terme ? A l’heure où nous parlons d’une nouvelle Guerre Froide. A l’heure où la Chine et la Russie tiennent tête aux Etats-Unis sur la scène internationale. A l’heure où plusieurs pays des Balkans font partie de l’OTAN. A l’heure où l’UE se dote d’une politique de sécurité et de défense de plus en plus importante, ne serait-il pas judicieux de se positionner ?

Imperturbable, la Serbie continue son numéro d’équilibriste en brandissant sa neutralité militaire pour se sortir des situations les plus délicates. Bien qu’en phase de pré-adhésion à l’UE, l’esquive par la neutralité est préférable pour ne pas froisser les vieilles amitiés. Il faut pourtant reconnaître que la neutralité militaire de la Serbie est une stratégie politique ingénieuse. Partant d’une simple rhétorique partisane, elle est à présent une politique pérenne qui survit à tous les gouvernements.

D’une rhétorique partisane à une stratégie long-terme

Dans le discours de certains politiciens, la neutralité militaire aurait toujours fait partie du code génétique de la Serbie : « La Serbie n’a jamais fait partie d’aucune alliance militaire, que ce soit à l’Est ou à l’Ouest. […] Restant fidèles à nous-mêmes et à nos traditions, la neutralité militaire de la Serbie ne souffre d’aucune exception. » (Proclamation de 200 intellectuels proches de la droite serbe publiée en 2010).

L’Histoire dément bien-entendu cette version. Nous pouvons remonter aux temps médiévaux, où la Serbie prenait part à des alliances contre l’Empire Byzantin, à l’Alliance des Balkans de 1912 avec le Monténégro, la Bulgarie et la Grèce, ou à la Petite Entente entre le Royaume de Serbie, la Tchécoslovaquie, et la Roumanie entre 1920 et 1938 !  Plus récemment, en pleine Guerre Froide, la Yougoslavie socialiste était même à l’initiative du mouvement des Non-Alignés (précisons que le Non-Alignement n’implique pas la neutralité militaire). Ce n’est donc pas le poids de l’Histoire qui est à l’origine de cette « neutralité ».

Elle est en réalité le fruit d’une manœuvre politique initiée en 2007 par le Premier Ministre de l’époque Vojislav Koštunica (Parti Démocrate – DS), alors que l’idée d’un Kosovo indépendant apparaissait dans le langage des dirigeants occidentaux. Koštunica et l’équipe de négociation qu’il avait dépêchée sur la question kosovare s’étaient engagés dans une « bataille serbo-américaine pour le Kosovo », afin que le Kosovo demeure une partie intégrante du territoire serbe. Une guerre des mots, où les parallèles historiques étaient de mise, et qui ont permis à Koštunica de construire un récit collectif hostile aux Etats-Unis. Par une analogie habile rapprochant la crise du Kosovo à la Bataille du «champ des Merles» de 1389 (élément central du récit national serbe), le Premier Ministre consacra alors l’unité et la combativité du peuple serbe.

Selon lui, plus qu’une rupture dans l’Histoire, la crise du Kosovo est une atteinte à la souveraineté de la Serbie, trahie par l’OTAN qui l’a bombardée en 1999. Que l’Occident soutienne le Kosovo dans sa volonté d’autonomie au-travers du plan Ahtisaari est perçu à cette époque comme un affront de plus. La réactivation du trauma des bombardements a permis entre-autre le vote d’une résolution devant l’Assemblée Nationale serbe, au nom de la préservation de l’intégrité territoriale et de la souveraineté nationale, qui mentionne pour la première fois le statut neutre de la Serbie :

Compte-tenu du rôle prépondérant de l’OTAN dans les bombardements illégaux de la Serbie effectués sans approbation du Conseil de Sécurité, et compte-tenu de l’annexe 11 du plan Ahtisaari (plan rejeté) qui désigne l’OTAN comme « principal autorité de contrôle » d’un « Kosovo indépendant », l’Assemblée Nationale déclare par la présente le statut neutre de la République de Serbie concernant les alliances militaires existantes, et ce jusqu’à ce qu’un référendum soit organisé au cours duquel la décision finale sera prise sur cette question.

Art.6 de la Résolution

En un temps record, le traumatisme collectif ravivé par Koštunica a donc pris une application politique qui s’appuie légitimement sur les textes internationaux fondamentaux : la Charte de l’ONU, l’Acte de Helsinki (fondamental pour comprendre la position serbe), et l’Article 4 de la résolution 1244 du Conseil de Sécurité de l’ONU. De fait, la neutralité militaire devient un impératif. Elle est présentée comme la condition du salut de l’identité serbe, et en devient un marqueur fort. Progressivement, la rhétorique d’un parti politique est devenue, en moins de 15 ans, le leitmotiv des gouvernements de gauche et de droite qui se sont succédés. La neutralité militaire comme « statut refuge » légitime tous les immobilismes de l’Etat serbe, y compris dans les négociations entre Pristina et Belgrade, malgré quelques timides avancées.

D’un point de vue géopolitique enfin, la neutralité est d’une redoutable efficacité, puisque la Serbie envoie un signal fort à Moscou, membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU qui dispose d’un droit de véto, y compris sur la question kosovare. Enfin, dans l’absolu, cela ne freine pas sa potentielle intégration à l’UE puisque six Etats membres sont neutres (Autriche, Chypre, Finlande, Irlande, Malte, Suède). La Serbie est par ailleurs considérée par l’UE comme un pôle de stabilité dans les Balkans, ce qui représente un atout pour son adhésion.

Pour autant peut-on dire que la Serbie répond pleinement aux critères d’un Etat neutre ? Il s’agirait plutôt ici d’une neutralité à demi-teinte, qui ne correspond pas aux critères de définition de la neutralité militaire entendue dans le droit international.

La neutralité ‘à la serbe‘ manque de crédibilité

La neutralité militaire de la Serbie, bien que confortable, souffre de nombreuses failles. Elle opère aujourd’hui simplement comme une déclaration de principes et manque clairement de solidité. En effet, si nous connaissons les raisons qui ont poussé la Serbie à la neutralité militaire, on ne peut pas dire que la neutralité en tant que telle fasse réellement partie de la culture stratégique serbe.

La neutralité n’est pas un concept flou puisqu’il existe au contraire une véritable juridicisation autour de ce statut, qui est défini par les 5ème et 13ème Conventions de La Haye notamment. Il existe plusieurs formes de neutralité, dont la neutralité permanente que revendique aujourd’hui la Serbie. Selon ce terme, un Etat doit rester en-dehors de tout conflit, en temps de guerre comme en temps de paix, et la neutralité doit apparaître dans les textes nationaux.

Jusqu’en 2019, la neutralité militaire de la Serbie n’était évoquée que dans la résolution parlementaire de Décembre 2007. Ce qui n’était pas suffisant d’un point de vue institutionnel puisqu’il n’existait pas de contrainte ou d’obligation à la neutralité. Cette résolution était par ailleurs incomplète : à titre d’exemple, celle-ci n’interdisait pas la présence de troupes étrangères sur son sol ni la construction de bases militaires sur son sol. C’est l’une des raisons pour laquelle le centre humanitaire russe basé à Niš avait éveillé les suspicions en demandant un statut diplomatique qui selon l’ancien Ministre de la Défense Dragan Šutanovac, n’avait pas lieu d’être.

De plus, il est encore trop tôt pour dire que la neutralité fait partie intégrante de l’identité stratégique serbe, ou de sa culture de défense. Comme le souligne Jan Litavski, si la Serbie avait vraiment voulu devenir un Etat neutre, il aurait en réalité fallu une expertise approfondie, un débat public, suivi d’un acte juridique qui aurait véritablement promu les aspirations à la neutralité (par la paix, la coopération, et une réserve dans sa politique étrangère et de défense).

Source: CEAS.

Or, aujourd’hui encore, il est évident que cette position neutre demeure davantage un rejet de l’OTAN et du plan Ahtisaari qu’une réelle modification de l’identité stratégique serbe. En effet, la ligne gouvernementale anti-OTAN de 2007 a transcendé tous les partis politiques, jusqu’à être pleinement partagée par la population. Actuellement, l’instrumentalisation du trauma de Koštunica fait encore son œuvre. En témoigne ce sondage organisé par le Centre d’Etudes Euro-atlantiques (CEAS) entre Octobre et Novembre 2019 : À la question « Si un référendum était organisé sur l’intégration de la Serbie dans l’OTAN cette semaine, que voteriez-vous ? » 78% ont voté « contre », et alors que seulement 8% y était favorable.

Source: CEAS.

Jusque ici, rien de bien surprenant, mais le plus intéressant est dans la question suivante. Le CEAS a demandé aux individus ayant voté « contre » l’intégration de l’OTAN ce qui a guidé leur choix. 57% ont répondu « L’OTAN nous a bombardé », alors que seulement 7% ont invoqué la neutralité de la Serbie ! N’est-ce pas là une illustration éloquente ? Le constat est sans appel : un amalgame est fait par la population, qui ne semble pas dissocier le sentiment anti-OTAN et le principe de neutralité. Cette neutralité ne tient finalement que par cette hostilité vis-à-vis de l’OTAN, largement nourrie par le gouvernement. La neutralité en soi n’a donc aucun intérêt, et n’a pas pénétré la conscience collective, ni son identité.

La situation pourrait changer cependant ! Avec la publication de la Nouvelle Stratégie de Défense Nationale l’année dernière, la Serbie prend un nouveau tournant dans l’affirmation de sa neutralité. Mais quid de sa mise en application ? Il faut à présent voir si sa posture sur la scène internationale reflète véritablement les principes de neutralité énoncés.

L’absence d’une politique de sécurité et de défense claire affaiblit la neutralité serbe

L’entre-deux militaire qu’entretient la Serbie est effectivement difficilement conciliable avec le développement d’une véritable culture stratégique de neutralité. Ce qui entache sa crédibilité.

La neutralité permanente n’est viable que si elle est internationalement acceptée, et, pour se faire, elle doit susciter un degré de confiance suffisant sur la scène internationale.

Dictionnaire de la guerre et de la paix (Durieux, Jeangène, Ramel).

La neutralité de la Serbie n’est ainsi pas complètement reconnue par la communauté internationale, faute d’une véritable politique de persuasion entreprise par les autorités. En effet, cela est nécessaire afin de relayer une image positive de l’Etat neutre (il faut prouver le renoncement à la guerre comme instrument de politique étrangère, faire montre d’une attitude non-agressive et stable, et que les Etats-tiers respectent cet état), l’Etat doit également faire preuve d’une stricte impartialité, c’est-à-dire qu’elle ne doit prendre part à aucune alliance militaire, et elle doit éviter de faire partie de toute organisation supranationale compromettant sa souveraineté nationale. Jusque-là, rien d’anormal, puisque la résolution de 2007 engageait la Serbie à ne faire partie d’aucune alliance.

Mais c’est là que nous atteignons les limites de la neutralité stricte exigée par une partie de la classe politique serbe. La Serbie ne peut être complètement neutre, et donc complètement souveraine, alors que son adhésion à l’Union Européenne impliquerait de fait sa participation à la Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC). La neutralité devient l’argument phare des eurosceptiques, puisque c’est la garante de la souveraineté de l’Etat. Le pays est aujourd’hui un candidat officiel à l’adhésion et les négociations avec l’Agence de Défense Européenne sont effectives depuis 2012. La Serbie participe d’ailleurs à plusieurs missions militaires pilotées par l’UE : l’opération EUNAFVOR en Somalie, ainsi qu’à des missions d’entraînement de l’UE en Ouganda et en Somalie.

Nous voyons se dessiner là une fracture qui révèle le manque de clarté du statut neutre : si la neutralité fait l’unanimité dans toute la classe politique, l’adhésion à l’UE défendue par le gouvernement du Parti progressiste serbe ne semble pas conciliable avec cette dernière. La Serbie ne serait pourtant pas le premier Etat membre de l’UE à avoir un statut neutre, mais le flou définitionnel qui l’entoure empêche le personnel politique de développer une approche cohérente et unie sur la question.

Dans le même temps, la Serbie continue d’entretenir des relations chaleureuses avec la Russie. En effet, elle demeure un partenaire incontournable, dont le droit de véto au Conseil de Sécurité de l’ONU permet de maintenir le statu quo sur la question du Kosovo et de préserver les intérêts territoriaux de la Serbie. Il est aussi important de souligner les liens commerciaux forts qui unissent les deux pays tant dans le domaine énergétique (qui constitue un moyen de pression significatif) que dans le secteur de l’armement (importations d’anciens équipements soviétiques, de véhicules blindés, et d’hélicoptère d’assaut). Les exercices militaires communs sont également nombreux. L’exercice « Fraternité slave » que nous avons mentionné auparavant avait d’ailleurs fait des remous à Bruxelles en 2015, mais se sont perpétués jusqu’en 2019. De la même manière, la Serbie et la Russie ont entrepris des exercices conjoints « Bouclier slave » en 2019. Il est à noter cependant que, si ces exercices russo-serbes provoquent l’émoi et sont fortement médiatisés, leur proportion est minime par rapport aux exercices conjoints organisés avec l’OTAN (23 exercices contre 6 avec la Russie).

Ces dernières années également, la Serbie et la Russie ont multiplié les événements à dimension symbolique comme la signature d’un accord de coopération stratégique en 2013, la célébration du 70ème anniversaire de la libération de Belgrade en présence de Vladimir Poutine, ou encore la présence de hauts représentants de l’état-major serbe lors du défilé de l’anniversaire de la Victoire de la Grande Guerre Patriotique à Moscou.

La Serbie devient ainsi la parfaite illustration d’un entre-deux militaire entre l’Europe et la Russie. Bien qu’en pleines négociations d’adhésion à l’UE, le pays ne veut pas compromettre ses liens avec la Russie. La neutralité officielle lui permet donc une sorte d’immobilisme opportun en cas de grande crise géopolitique. L’exemple de l’invasion de la Crimée est éloquent, car la Serbie s’était fait remarquer par sa discrétion.

Vučić et le manque de transparence continu

La neutralité est la plus honorable, mais aussi la plus difficile des voies et nous avons choisi cette voie.

Aleksandar Vulin (2019).

Cette voie ne saurait être l’une des plus difficiles si le gouvernement serbe assumait vraiment sa position de neutralité, ce qui n’est en réalité pas le cas. De fait, la politique de défense et le développement d’un système de défense se font dans l’opacité la plus totale, ce qui a de quoi déstabiliser les citoyens mais également l’armée serbe.

Les dépenses militaires, que Katarina Dokić (chercheuse au Belgrade Centre for Security Policy) appelle des « cadeaux surprises » sont bien-évidemment financés par le contribuable qui voit ses dinars s’envoler dans des acquisitions militaires impressionnantes mais qui sembleraient superficielles. Un élément qui doit interpeller les citoyens, alors en droit de demander plus de visibilité au nom de la démocratie. Dokić déplore ainsi que l’armée ne soit pas en mesure de planifier ni de commander des armes en adéquation avec ses réels besoins, car elle est soumise à l’arbitraire du gouvernement, qui multiplie les accords de vente avec la Biélorussie, la Russie, voire la France.

Si ce manque de transparence est déploré sur le territoire national, essayons aussi d’imaginer ce que peuvent ressentir les Etats voisins. D’un côté, la Serbie se présente comme le garant de la stabilité des Balkans, mais dans le même temps poursuit l’augmentation de ses capacités militaires et envoie donc des signaux bien différents. Dans le but de rassurer la communauté internationale et de légitimer un budget de la défense anormalement élevé pour un Etat neutre, le Président Vucić déclarait dans l’émission Upitnik:

La Serbie s’arme parce que la Serbie est un pays libre. C’est un petit pays entouré d’Etats membres de l’OTAN avec lesquels nous voulons de bonnes relations. Malgré tout nous ne serons pas le Bambi qu’ils pourraient dévorer.

Aleksandar Vučić

Le chef d’Etat semble ici reprendre la rhétorique du Kremlin, et se voit comme une forteresse encerclée de toutes parts, ce qui explique que les dépenses militaires représentent 2,2% du PIB serbe en 2019, contre 0,3% pour l’Irlande, 1,1% pour la Suède ou encore 0,7% pour l’Autriche, tous les trois des Etats neutres.

L’importance du budget de la défense dans le PIB serbe est cruciale pour faire respecter la neutralité du pays. Toutefois, un rééquilibrage des dépenses publiques apparaît nécessaire. Si la Serbie refuse de suivre le modèle de l’Irlande ou de l’Autriche (qui ont intégré une alliance et/ou une organisation supranationale) pour absorber ses dépenses en sécurité et en défense, il est de la responsabilité du gouvernement de ne pas négliger ses autres postes de dépenses pour autant. D’autres secteurs sont en effet prioritaires, tels que l’emploi et la santé.

À terme, la Serbie va devoir se positionner dans un monde de plus en plus complexe et fragilisé par la crise sanitaire que nous connaissons actuellement. Les postures neutres de principe ne peuvent plus être de mise et le pays devra faire un choix, entre aller de l’avant et privilégier son développement, ou demeurer dans ce « ni-ni » qui la condamne à la stagnation ou à l’isolement. Nous ne sommes pas au bout de nos peines cependant. Dernier exemple en date: l’annonce surprise du transfert du siège de l’Ambassade israélienne à Jérusalem lors d’un sommet Serbie-Kosovo à la Maison Blanche. Cette décision qui satisfait les Etats-Unis et Israël et déconcerte l’Europe a pourtant été contredite quelques jours plus tard par Vučić lui-même la liant à une non-reconnaisance du Kosovo par Israël. Autant dire que les cabrioles du gouvernement n’ont pas fini de nous surprendre.


Les propos de l’auteure sont personnels et ne peuvent en aucun cas engager la responsabilité juridique de l’association Euro Créative.

Sarah Cugnac-Pavlovic

Sarah Clugnac-Pavlovic poursuit actuellement le Master « Intégration et Gouvernance Européenne » à SciencesPo Bordeaux suite à son Master « Europe-Russie, Stratégies et Enjeux Globaux » du même établissement. D’origine serbe, les centres d’intérêts de Sarah portent sur les relations entre la Serbie et l’Union européenne et sur la politique d’élargissement de l’UE qu’elle a notamment pu appréhender avec un mémoire sur les perspectives d’intégration de la Serbie. Enfin Sarah s’intéresse également aux affaires internationales et aux questions de défense.  

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