Par George Gima
Le président sortant, Klaus Iohannis, remportera probablement son second mandat dimanche sans même avoir participé à un débat direct avec son adversaire, l’ancienne Premier ministre Viorica Dăncilă. Le pays arrive aux élections après trois années très agitées, avec de nombreuses manifestations dans la rue où des centaines de milliers de personnes se sont opposées aux actions de l’ancien gouvernement socialiste (tombé après une motion de défiance il y a un mois). Pour rappel, le précédent gouvernement s’était attaqué à l’indépendance de la justice et à l’état de droit avec une brutalité sans précédent, entamant alors une dérive autocratique. Le but de ces attaques contre la justice ? Sauver l’ancien président de l’Assemblée et du Parti Socialiste Roumain, Liviu Dragnea, qui est finalement reconnu coupable de corruption et emprisonné. Laissant ainsi la voie libre à Dăncilă pour une nomination à la présidence.
Cette dernière, « runner-up » improbable après le premier tour, provient donc du Parti Socialiste Roumain – PSR (affilié au Parti Socialiste Européen), qui a hérité de l’élite et de l’appareil politique de l’ancien parti communiste. Elle a mené sa campagne utilisant une dose consistante de « fake-news », mais aussi de nationalisme et de populisme, dans un pays qui est souvent en dernière place en Europe dans la plupart des chapitres consacrés au développement. Le double discours est à l’ordre du jour et il est difficile même pour les journalistes de vérifier toutes les informations diffusées par son équipe de campagne.
En ce qui concerne Iohannis, candidat soutenu par le Parti National Libéral – PNL (affilié au Parti Populaire Européen), il s’est positionné ces dernières années comme le chef de la résistance face aux attaques du Parti socialiste sur l’état de droit, s’exprimant et agissant de manière pro-européenne et parfois même progressiste. Il a une image favorable à l’étranger et dispose de relations privilégiées avec de nombreux dirigeants politiques européens. Le Président Macron l’a lui-même félicité en direct à la télévision française pour sa capacité à résister et à « tenir son pays du bout du bras », en tant que bastion pro-européen dans une région touchée par la dérive populiste. Si, après trois ans, le président parvient est finalement parvenu à faire chuter le gouvernement du parti socialiste et anti-européen, une partie de la population lui reproche tout de même la lenteur de cette action qui ne s’est matérialisée que maintenant, juste avant les élections. En l’espace de trois ans, l’ancien gouvernement a réussi à faire adopter par ordonnance diverses modifications législatives portant atteinte à l’état de droit, ce qui a engendré la publication du rapport européen MCV (Mécanisme de coopération et de vérification) le plus négatif depuis l’adhésion à l’UE, périclitant ainsi l’accession de la Roumanie à l’espace Schengen. En outre, l’ancien gouvernement n’a résolu aucune des grandes priorités de l’économie et de la société : de la crise du système de Santé à la précarité dans l’Education, en passant par des taux énormes de mortalité infantile, d’infection à la tuberculose, ou bien de citoyens vivant en dessous du seuil de pauvreté. On pourrait également citer le plus grand nombre de mères adolescentes en Europe, l’analphabétisme fonctionnel, le manque d’éducation au niveau digital ou le retard accumulé en matière de développement durable.
Cependant, le président Iohannis a réussi à renverser le gouvernement adverse quelques jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, ce que les citoyens ont tout de même apprécié. Le premier tour se termine ainsi avec 37% pour Iohannis, 22% pour Dăncilă et 15% pour Dan Barna, ce dernier candidat pour l’alliance centriste USR-PLUS (affilié à Renew Europe). Précisément, l’alliance progressiste USR-PLUS (Parti des Libertés, de l’Unité et de la Solidarité, et l’Union pour Sauver la Roumanie), qui n’a pas réussi à percer au second tour, fut la belle révélation des élections européennes du mois de Mai, obtenant 23% des votes. Formée de deux partis émergents, de facture centriste et pro-européenne, l’Alliance a réussi à s’imposer au Parlement Européen par le biais de Dacian Ciolos, à la tête du groupe « Renew », et d’une délégation de députés européens parmi les plus actifs et les plus influents depuis le début de l’actuelle législature. C’est la structure politique qui a réussi à secouer l’establishment politique en Roumanie, à concurrencer les partis traditionnels et à proposer une nouvelle façon de faire de la politique: sans corruption, impliquant de nombreux jeunes, promouvant un esprit novateur et des politiques publiques progressistes, d’équité sociale et de développement économique durable. Seule structure politique opposée à tout référendum visant à introduire une interdiction constitutionnelle du mariage entre personnes de même sexe (initiée par le Parti socialiste et soldée par un échec), l’Alliance a constamment défendu les droits des citoyens et un progrès équitable.
Pour le second tour qui aura donc lieu dimanche prochain (24 Novembre 2019), USR-PLUS a appelé les citoyens à voter pour le président sortant Iohannis. Celui-ci est susceptible de gagner, ressortant favori des sondages et bénéficiant d’un report des voix extrêmement favorable, en particulier de l’Alliance USR-PLUS. Cependant, les citoyens souhaitent voir un président plus actif pendant son deuxième mandat, présent dans des débats avec la société civile ou dans des universités avec les étudiants. À titre d’exemple, Iohannis n’a pas souhaité débattre avec son adversaire, Dăncilă, ce qui fait plutôt rare dans un pays démocratique. Lors de la seule conférence publique organisée dans cette campagne, il a souligné que s’il pouvait améliorer quelque chose, il s’agirait de sa communication qui, à son avis, ne correspond pas aux attentes des citoyens. Bonne résolution en vue d’un deuxième mandat.
Né en Roumanie et vivant à Paris, George Gima est consultant en risques politiques et macro-économiques, ayant effectué des missions dans plus de 40 pays à travers le monde, notamment en périodes d’élections, d’instabilité politique ou de crise économique : aux Etats-Unis et en Argentine pendant les respectives élections présidentielles en 2016, au Brésil pendant la période d’impeachment en 2016, ou bien au Nigeria et en Guinée sur des problématiques de sécurité alimentaire. Il travaille actuellement avec la Banque Centrale Européenne sur les risques sur les marchés financiers pendant le Bréxit. Passé par Sciences-Po et KPMG Paris, il a également été candidat aux élections européennes pour l’Alliance USR-PLUS.
Les propos de l’auteur sont personnels et ne peuvent en aucun cas engager la responsabilité juridique de l’Association Europe Créative.
Directeur général d’Euro Créative, analyste Défense/Sécurité