Article écrit par Kinga Brudzińska et Alisa Muzergues et publié initialement en anglais sur le site Visegrád Insight.
La présidence polonaise peut et doit profiter de cette occasion pour changer l’image du V4 et surmonter la perception plutôt négative de la région au sein de l’UE.
Depuis le 1er juillet, la Pologne assume officiellement la Présidence annuelle du groupe de Visegrad (V4) sous la devise « back on track« . Varsovie s’efforcera de profiter de cette présidence pour coordonner les positions des pays du V4 au sein de l’Union européenne (UE) au moment où seront prises les décisions clés concernant l’avenir du projet européen.
Ces décisions concernent notamment l’instrument de recouvrement post-COVID-19 (et la dette commune) et le cadre financier pluriannuel (CFP) pour 2021-2027. Les décisions et les programmes de la présidence reposeront sur trois piliers principaux : l’économie et la connectivité, la sécurité et la relance, et la société.
Outre la coordination des positions du V4 au sein de l’UE, les autres objectifs fixés par Varsovie pour l’année prochaine comprennent le développement des infrastructures, l’approfondissement de la coopération dans les domaines de la sécurité et de l’agenda international (par exemple, le soutien des aspirations des pays des Balkans occidentaux à l’UE et la sauvegarde du partenariat oriental).
Enfin, une attention particulière sera accordée à la coopération dans le domaine des affaires numériques et de l’innovation technologique, au développement des infrastructures numériques, y compris les systèmes sûrs 5G et de gestion des données.
Convergence des intérêts
La coopération au sein du V4 a contribué à consolider les positions des États concernant les questions clés de l’agenda de l’UE. Le V4 s’est particulièrement exprimé sur la politique migratoire de l’UE : les quatre pays ont une position ferme contre une politique de réinstallation obligatoire et ils souhaitent que la décision d’accorder l’asile reste une compétence réservée aux États membres.
Un autre domaine où les intérêts du V4 convergent et où le groupe a réussi à façonner la position de l’UE est la politique de voisinage à l’égard de ses voisins immédiats de l’Europe de l’Est et du Sud-Est, à savoir le Partenariat oriental et les pays des Balkans occidentaux.
Dans le même temps, une divergence entre leurs positions sur plusieurs questions cruciales est également perceptible, et la situation actuelle au sein du groupe n’est pas aussi monolithique qu’elle pourrait l’être au sein d’autres groupes de coopération. Ces éléments de divergence concernent notamment la proposition de fonds de relance de l’UE, de la politique étrangère et de sécurité commune (par exemple, la politique à l’égard de la Russie ou d’Israël), la politique climatique ou les questions relatives à l’État de droit.
Par conséquent, pour poursuivre des intérêts différents de ceux de leurs voisins du V4, les pays diversifient leurs engagements et ne considèrent pas nécessairement le V4 comme la principale plate-forme pour atteindre leurs objectifs. Cependant, il convient de souligner que le format V4 a toujours eu pour but de promouvoir les intérêts communs des pays tout en laissant la possibilité de poursuivre des intérêts divergents par d’autres moyens.
‘Make Europe strong again’
La devise de la présidence polonaise « back on track » souligne le thème qui est similaire à la devise de la présidence allemande du Conseil de l’UE, dont le début a lieu au même moment.
Il est intéressant de noter que la version anglaise de la devise de la présidence allemande « Together for Europe’s recovery » est une interprétation plus douce d’une formulation allemande un peu plus forte « Gemeinsam Europa wieder stark machen« . (qui signifie littéralement « Ensemble. Rendre l’Europe forte à nouveau »).
S’il peut y avoir une certaine coordination entre Varsovie et Berlin par rapport à leurs objectifs dans le cadre de leurs présidences respectives, certaines des perspectives des partenaires européens dont l’Allemagne devra tenir compte ne seront pas conformes aux perspectives polonaises.
Plus important encore, le renforcement de l’État de droit, qui prévoit l’introduction de la conditionnalité dans les fonds de l’UE, continuera certainement à faire l’objet de discussions animées avec la Pologne et la Hongrie. De plus, alors que dans l’ensemble, les V4 estiment que la force de l’UE provient de la coopération de pays souverains soutenus par des institutions communes, la position allemande évolue vers une Union plus souveraine.
Il existe de nombreuses priorités communes dans la région. Au lendemain des crises sanitaires, politiques et économiques, la meilleure façon de les poursuivre pourrait être d’apporter une contribution proactive et constructive au débat européen.
La présidence polonaise peut et doit profiter de cette occasion pour changer l’image du V4 et surmonter la perception plutôt négative de la région au sein de l’UE.
Par conséquent, la présidence devrait travailler sur un programme constructif qui profite non seulement à la région mais aussi à l’UE dans son ensemble. Et l’objectif d’un « V4 fort dans une Europe forte » semble être une bonne recette pour une présidence réussie et le trentième anniversaire du groupe !
Dr Kinga Brudzińska est responsable du programme « Future of Europe » au sein de GLOBSEC, un think tank basé à Bratislava. Alisa Muzergues est chargée de recherche et responsable du programme de voisinage européen à GLOBSEC.
Pour aller plus loin: Disguised as Solidarity Central Europe Strives for Maximising Gains at MFF talks
Directeur général d’Euro Créative, analyste Défense/Sécurité