Une coopération de fait
En cette année de pandémie, les Roumains sont invités à se rendre aux urnes non pas une, mais deux fois. Les élections locales prévues en juin ont été reportées de plusieurs semaines et ont finalement eu lieu le 27 septembre dernier. Les élections législatives devraient elles se dérouler le 6 décembre prochain.
La fragmentation politique qui s’est produite ces dernières années – du fait de la création de nouveaux partis, de séparations ou de scissions – a été réduite au cours de l’été grâce à la fusion entre l’Union pour sauver la Roumanie (USR) et PLUS. L’alliance que ces deux partis ont établi à l’approche des élections européennes de 2019, leur position au centre du spectre politique et leur appartenance au groupe « Renew Europe » du Parlement européen ont fait de cette fusion un succès politique certain.
Mené par de jeunes politiciens dynamiques, USR-PLUS s’est présenté pendant la campagne pour les élections locales comme le principal opposant aux vieux partis établis et notamment face au Parti social-démocrate (PSD) de gauche, affaibli depuis les dernières élections par plusieurs scandales et luttes intestines. Pourtant, historiquement, le principal opposant au PSD a toujours été le Parti national libéral (PNL), de centre-droit.
Leur aspiration commune à vaincre le PSD a permis à USR PLUS et PNL de mettre au point une stratégie de coopération. Même si celle-ci n’a pas été simple.
Dans un premier temps, les deux partis ont présenté des candidats aux élections locales dans les grandes villes – Bucarest, Iaşi, Constanța, Timișoara, Cluj-Napoca et Brașov. Une analyse coûts-avantages a conduit ces partis à devenir des partenaires stratégiques de circonstance et à soutenir des candidats communs dans certaines villes ou certains districts, notamment à Bucarest.
Le partenariat stratégique a été une décision particulièrement difficile pour la direction d’USR-PLUS et contestée par nombre de ses membres. Bien qu’elle se soit maintes fois prononcée contre l’ancienne élite politique et les « façons de faire de la politique », la direction d’USR PLUS a considéré qu’une coalition avec PNL était opportune et constituait la seule alternative pour vaincre les candidats du PSD. Cependant, dans des villes comme Timișoara et Iaşi, les candidats à la mairie d’USR PLUS ont simplement refusé toute alliance et ont considéré les candidats de PNL comme leurs principaux rivaux.
Au niveau national, PNL a remporté les élections de septembre et a été victorieux dans la plupart des grandes villes. Pourtant, USR-PLUS a remporté trois importantes victoires à Timișoara, Brașov et Bucarest, et a installé des Maires dans quelques autres villes de taille moyenne. La victoire dans la capitale est particulièrement importante pour USR-PLUS en vue des élections générales.
Qui pour gouverner ces quatre prochaines années?
La campagne pour les élections de décembre bat son plein et pour les trois premiers partis, elle semble être la continuation de la campagne qui vient de se terminer il y a un peu plus d’un mois. USR-PLUS poursuit ses initiatives phares pour une politique « propre », PSD fait appel à sa base traditionnelle d’électeurs – soucieux de prévisibilité et de sécurité sociale – tandis que PNL utilise l’avantage d’être au pouvoir et de capitaliser sur ses actions en cours.
Un sondage réalisé un mois avant la date des élections indique que PNL obtiendra le plus grand nombre de voix (32,6 %), suivi du PSD (21,7 %) et d’USR-PLUS (20,4 %). Ainsi, on peut imaginer qu’aucun de ces partis ne sera en mesure de gouverner seul, et que la mise en place d’une coalition sera nécessaire.
Les petits partis ne seront pas utiles à PNL pour former une telle coalition, soit parce qu’ils sont de centre gauche, comme le PRO România qui devrait obtenir environ 8 ou 9 % des voix ; soit parce qu’ils n’apporteront pas assez de voix pour avoir une majorité solide. Durant cette campagne électorale, un double jeu s’engage entre PNL et l’USR-PLUS, rivaux affirmés pour le gain d’un électorat potentiellement semblable mais obligés de penser à plus long-terme et à la nécessité de former une coalition pour diriger le pays ces prochaines années.
Déterminé à gouverner enfin le pays, USR-PLUS pourrait ainsi se retrouver dans une situation délicate. En effet, accepter PNL comme partenaire post-électoral reviendrait à tolérer un certain degré de manque d’intégrité (qui semblerait avéré parmi les membres de PNL) tout en essayant de mettre en œuvre son programme politique prévoyant de grands changements et une administration sans corruption.
Si USR-PLUS opte pour cette option, ces partis risquent également de s’aliéner certains de ses électeurs et membres qui avaient déjà exprimé leur désaccord sur un partenariat avec le PNL lors des élections locales. Inversement, USR-PLUS pourrait aussi décider de rester dans l’opposition pendant quatre années supplémentaires. Dans ce cas, les réformes nationales tant attendues et prévues par ces partis resteraient très probablement lettre morte.
Doris Manu
Doris Manu a une formation en Relations Internationales et en Études Européennes. Elle travaille actuellement à la mission de l’Union Européenne à Tirana dans le cadre de la politique d’élargissement de l’Union Européenne. Les principaux intérêts de Doris portent sur la politique internationale, les affaires internationales et la région des Balkans Occidentaux. Enfin, Doris dispose d’une véritable expérience internationale ayant vécu en Belgique, en Roumanie, en Croatie, en Serbie, au Kosovo, en Macédoine du Nord et en Albanie.
Directeur général d’Euro Créative, analyste Défense/Sécurité